Révolte sociale !
Le 9 avril 1834 commence la 2ème insurrection des canuts de Lyon (la première avait eu lieu en 1831).
📌 Dans une ville où un tiers de la population vit du travail de la soie, l’évolution technologique récente a fait passer la production de 100 broches de soie de l’heure à 200 broches en deux ans seulement.
📌 En conséquence, les marchands-fabricants – les “soyeux” – projettent de faire passer le tarif unitaire de la broche de 10 à 5 centimes ou de maintenir le tarif de 10 francs de l’heure. En plus de s’accaparer la totalité des gains de productivité, ce projet de rémunération ne tient pas compte de la pénibilité accrue du travail sur ces nouvelles machines…
📌 En réaction, 25 000 ouvriers de la soie se sont mis en grève pendant 8 jours en février 1834. Le député-maire de Lyon, Gabriel Prunelle fait voter l’illégalité des associations ouvrières le mois suivant. Le ‘Comité d’ensemble’ créé par les canuts (qui rassemble tisseurs, mutuellistes, ferrandiniers et membres du groupe lyonnais des droits de l’homme) est particulièrement visé. Certains de leurs membres sont arrêtés et doivent être jugés le 9 avril.
📌 Au projet de baisse de rémunération s’ajoute un projet de loi visant les ‘associations républicaines’ ; les canuts ont peur qu’il ne supprime par la même occasion les mutuelles ouvrières de création récente. Ces sociétés de secours mutuelles créées à partir des années 1820 permettent en effet aux canuts de subvenir aux accidents de la vie et elles échappent jusque là à l’interdiction frontale faite aux corporations (loi le Chapelier de 1791).
📌 Quand le jugement arrive le 9 avril, une foule nombreuse se masse à l’extérieur du tribunal. C’est alors qu’un émeutier tire sur les gendarmes pendant la plaidoirie (en réalité un agent de police). L’armée tire alors pour disperser la foule et c’est l’engrenage. 6 000 manifestants s’insurgent le lendemain : ils s’emparent de quartiers entiers, érigent des barricades et placent le drapeau noir au sommet de Fourvière et de St Nizier.
📌 Fin tacticien, le ministre de l’Intérieur du roi Louis-Philippe – Adolphe Thiers – laisse dans un premier temps la ville aux ‘insurgés’ pour l’encercler ensuite afin de la reprendre méthodiquement grâce à la troupe. L’armée commandée par le général Aymard entre ainsi dans la ville le 11 avril. Elle utilise le canon contre les barricades et les bâtiments d’où partent des coups de feu et reconquiert rapidement le quartier de la Guillotière – en flamme – puis celui de Vaise. Dans ce dernier, elle massacre les habitants de toute une maison. Elle doit en revanche s’y prendre à trois fois avant de soumettre celui de la Croix-Rousse où se trouve le cœur de l’insurrection.
📌 Après six jours de combat – le 15 avril – la ville est totalement reprise au prix d’un énorme bain de sang : 121 morts chez les militaires, 155 chez les canuts et près de 1500 blessés de part et d’autre… Des centaines d’insurgés sont faites prisonniers et 164 seront jugés. 57 lyonnais seront à nouveau présentés devant les juges au côté d’ouvriers d’autres villes solidaires du mouvement dans un “procès monstre” en avril de l’année suivante à Paris. Les meneurs seront condamnés à la déportation ou à de lourdes peines de prison.
📌 Au niveau national, la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe confirmera dans les années suivantes sa politique répressive en direction des ouvriers. Elle entamera la construction de forts censés défendre la ville mais en réalité aussi pensés aussi contre l’”ennemi intérieur”. Le régime incitera ces derniers à s’engager dans l’armée alors en pleine conquête de l’Algérie. De leur côté, les soyeux chercheront à disperser les fabriques à la campagne pour éviter la répétition de tels soulèvements.
📌 La France avait-t-elle traversé la Révolution et l’Empire pour devenir une monarchie constitutionnelle antisociale ? Si les ouvriers auront leur revanche politique en 1848 avec la proclamation de la IIème République, Adolphe Thiers rééditera lui ce massacre 37 ans plus tard contre la Commune de Paris… au nom de la (IIIème) République cette fois.
📌 Les révoltes des canuts de 1831 et 1834 ont fait naître une conscience ouvrière chez les ouvriers de la soie. Elles ont grandement inspirés les théoriciens de l’anarchisme et du communisme Joseph Proudhon et Karl Marx. Le premier voyant dans les canuts “des pionniers de la lutte pour la justice sociale” et le second considérant leur révolte comme un signe avant-coureur de la révolution prolétarienne.
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📍📸 Plaque commémorative rappelant la devise des canuts sur la Mairie de la Croix-Rousse : “Vivre en travaillant ou mourir en combattant”, 133 boulevard de la Croix-Rousse, 69004 Lyon
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