Histoire de Lyon – 13 mai 1861

Histoire de Lyon - 13 mai 1861

Le Siam à Lyon

Les 13 et 14 mai 1861, une ambassade du Royaume du Siam (aujourd’hui la Thaïlande) est de passage à Lyon, en route vers Paris.

Les ambassadeurs, représentants du roi Mongkut (Rama IV), sont accueillis avec faste par le préfet Claude Marius Vaïsse. Une foule immense de curieux suit la délégation jusqu’à son hôtel, sur la façade duquel flotte le drapeau siamois, orné d’un éléphant blanc, symbole royal. Le lendemain, les envoyés visitent les lieux emblématiques de la ville, notamment ses manufactures de soie qui intéressent le Siam lui aussi producteur de ce tissu précieux.

Composition et objectifs de la mission

La mission diplomatique est composée de 16 dignitaires. Elle a pour objectif de développer les relations initiées  par un traité d’amitié et de commerce signé le 15 août 1856 entre le Siam et la France. Négocié par l’envoyé français Charles de Montigny, ce traité garantit des droits commerciaux aux Français au Siam et marque l’ouverture du royaume aux influences occidentales. L’ambassade apporte de somptueux présents : tissus de soie, objets en or, et pierres précieuses, qui témoignaient de la richesse et de la sophistication de la cour siamoise.

Sous le règne de Mongkut (1851-1868), le Siam entreprend en effet une modernisation inspirée des modèles occidentaux, à l’image du Japon lors de l’ère Meiji. Érudit et ouvert aux sciences, le roi cherche à réformer l’administration, l’éducation et les technologies, tout en préservant l’indépendance de son royaume face aux ambitions coloniales européennes. Cette visite s’inscrit dans une stratégie diplomatique visant à établir des relations équilibrées avec les puissances occidentales, notamment la France et le Royaume-Uni, pour éviter la colonisation.

Contexte géopolitique

En 1861, la France intensifie son expansion en Asie du Sud-Est, car elle cherche à concurrencer l’influence britannique, qui domine en Inde et en Birmanie depuis la guerre de Sept Ans (1756-1763). Après la prise de Saigon en 1859, la France a consolidé son emprise sur la Cochinchine (sud du Vietnam) et convoite le Cambodge, alors sous influence siamoise. Le Siam, conscient de ces ambitions, cherche à protéger sa souveraineté tout en s’ouvrant aux échanges culturels et commerciaux avec l’Occident.

Une tradition diplomatique

La toute première ambassade siamoise avait été envoyée en France par le roi Phra Naraï en 1686. Elle avait été reçue avec faste par Louis XIV à la cour de Versailles. Ces contacts s’étaient interrompus en raison de l’isolement du Siam et des bouleversements internes, notamment la chute de la dynastie d’Ayutthaya en 1767.

En 1861, les envoyés siamois doivent rencontrer Napoléon III et l’impératrice Eugénie. Ce qu’ils feront dans la prestigieuse salle de bal Henri II du château de Fontainebleau le 27 juin suivant dans une rencontre immortalisée par le peintre Jean Léon Gérôme en 1864.

Conséquences et héritage

Si la visite de 1861 n’a pas transformé en profondeur les relations franco-siamoises, elle a renforçé la position du Siam comme partenaire diplomatique respectable, capable de dialoguer d’égal à égal avec les puissances européennes. Des tensions émergeront cependant en 1863, lorsque la France établira un protectorat sur le Cambodge, jusque-là sous suzeraineté siamoise. Ce différend sera résolu par le traité du 15 juillet 1867 avec le renoncement du Siam à ses droits sur le Cambodge en échange de la reconnaissance de sa souveraineté sur les provinces de Battambang et Siem Reap (qui avaient été cédées à la France en 1907).

En renonçant progressivement à ses anciennes zones d’influence (Cambodge, Laos, et certaines régions de la Malaisie), Mongkut a su préserver l’indépendance du Siam. Cette habile diplomatie sera poursuivie par son successeur Chulalongkorn (Rama V) qui accélérera la modernisation du royaume.

Des tensions autour des revendications territoriales resurgiront lors de la guerre franco-thaïlandaise (1940-1941), lorsque la Thaïlande, sous l’égide du premier ministre Plaek Phibunsongkhram, cherchera à reprendre des territoires de l’Indochine française, y compris des parties du Cambodge.

En représailles aux incursions thaïlandaises le long de la frontière cambodgienne, la flotte française d’Indochine, commandée par le capitaine de vaisseau Régis Bérenger, lancera une attaque surprise contre la marine thaïlandaise à Ko Chang, le 17 janvier 1941. Les Français infligeront de lourdes pertes à la flotte thaïe mais cette victoire n’altéra toutefois pas l’issue globale du conflit, qui se conclura par des négociations sous médiation japonaise en faveur de la Thaïlande.
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Le saviez-vous❓ Lors de son passage à Lyon en 1869, l’Impératrice Eugénie a visité des ateliers de tisserands et offert au tout nouveau Musée des tissus des textiles de sa garde-robe provenant de Chine et du Siam.
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Histoire de Lyon - 13 mai 1861
Photographie de l’ambassade Siamoise en France accompagnée de leur interprète, le père Louis François Larnaudie, en 1961.
Histoire de Lyon - 13 mai 1861
Réception des ambassadeurs siamois par Napoléon III et l’Impératrice Eugénie dans la grande salle de bal Henri II du château de Fontainebleau, le 27 juin 1861 – Jean Léon Gérôme (1864).

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